En ce tout début juin, me voilà arrivé aux portes du principal gros morceau de mon itinéraire : la mythique Sierra Nevada! Longue de 700 km, comptant de nombreux sommets de plus de 4000 m et abritant les parcs nationaux de Sequoia, Kings Canyon et Yosemite, la suite du parcours s'annonce pas trop mal! 

Mais revenons d'abord sur le chemin parcouru jusque là, qui n'a pas manqué de charme ni de péripéties! 


Depuis Big Bear Lake, j'ai mis le cap à l'ouest pour rejoindre le lac de Silverwood. Cependant, il m'a fallu dès lors me pencher plus attentivement sur l'itinéraire et m'écarter quelque peu de la trace Trans-US... En effet, ces derniers, partis environ deux semaines plus tard que moi, ont pu emprunter sans souci le Pacific Crest Trail (officiellement interdit aux VTT) car il n'y avait quasi plus un marcheur à cette période sur ce sentier. Après m'être renseigné auprès des vététistes locaux, mes premières impressions se sont vues confirmées, il y a trop de marcheurs en ce moment pour rouler sur le PCT... Je quitte donc Big Bear Lake sur des pistes 4x4 pour rejoindre Deep Creek Hot Springs, lieu que l'on ma entouré sur la carte je ne sais pas pourquoi... Je laisse les forêts de pins derrière moi et me retrouve rapidement dans un véritable désert. C'est grand, très grand. Je contourne la "Rattlesnakes Mountain" (très rassurant) et arrive à Deep Creek via un joli sentier, juste après avoir croisé un vieux marcheur bedonnant, rouge pivoine et complètement nu dans ses chaussures de montagne (je commence à me demander où je vais arriver...). Et je me retrouve dans un petit coin de paradis! Des arbres, une belle rivière à l'eau cristalline et surtout plusieurs bassins naturels d'eau thermale! Un véritable spa en plein désert! Le pied! 

Fait amusant : je retombe ici sur Sam, un PCT hiker qui vient du Colorado et avec qui j'avais sympathisé à Warner Springs et recroisé déjà une fois! Eh oui... il est aussi rapide que moi mais à pied! Il me pensait déjà au Canada d'ailleurs! Je me rassure tant bien que mal en me disant que j'ai quand même dû faire beaucoup plus de détours... Faut dire aussi que le gaillard marche jusqu'à 48 km par jour...!! 

Après cette pause wellness, je repars en début de soirée en suivant le PCT, pas le choix cette fois et à ces heures je n'ai croisé personne si ce n'est deux marcheurs fort sympathiques. Et quelle merveille! Un sentier en balcon le long d'un superbe canyon, le tout sous les belles couleurs du soir.

Toutefois, en rejoignant la route, je tombe pour la deuxième fois sur un vieux barbu s'occupant du ravitaillement des marcheurs qui me demande fermement de ne plus emprunter ce sentier. Frustrant... Je me questionne sur la justification de cette interdiction et sur l'impact d'une éventuelle ouverture aux VTT. Quoi qu'il en soit, je vais dorénavant jouer le jeu autant que possible. 

J'arrive au lac Silverwood à la tombée de la nuit. Plus tard, un jeune "bobcat" (petit lynx) me fait l'honneur d'une visite! 


La journée suivante, qui consistait à passer dans le massif du Mt San Antonio, ne s'est pas passée comme prévue... Pour éviter le PCT, j'ai tenté de suivre mon GPS en prenant un itinéraire VTT et je me suis retrouvé seulement cinq fois devant des chemins (pistes et sentiers) qui avaient complètement disparus...! Quand ça t'arrive après une ou deux heures de montée, c'est rude! J'ai quand même fini par rejoindre l'endroit prévu mais avec beaucoup d'efforts et de km inutiles. Cette journée m'aura au moins appris que je ne peux pas me fier totalement à mon GPS. 


Massif du Mt San Antonio et les San Gabriel Mountains


Il s'agissait ensuite de traverser les montagnes dominant l'immense plaine urbanisée de Los Angeles.

Parti pour au moins deux jours d'autonomie, j'arrive au col du Mt Baldy (2350 m) après une belle ascension d'environ 30 km et me retrouve, non sans surprise, en haut d'une station de ski avec buvette et terrasse! Je passe la nuit au col, avec d'un côté la vue sur le désert du Mojave et de l'autre sur une mer de brouillard recouvrant la plaine de Los Angeles et l'océan. Y a pire comme endroit... Le lendemain, encore un bout d'ascension et c'est par une belle et longue descente bien technique que j'atteins le village de Mt Baldy puis me laisse glisser sur la route jusqu'au Crystal Lake. 

La suite est plutôt roulante avec de nombreux kilomètres sur des pistes, si ce n'est de nouveau quelques mauvaises surprises en tombant sur des trails abandonnés suite aux incendies ou certains orages violents. Arbres en travers, broussaille, rivières... Obstacles que je n'ai parfois pas eu le choix de franchir pour éviter un trop gros détour. Cela fait partie du jeu. Quand tu roules en VTT dans des zones que tu ne connais pas et que tu cherches à éviter le bitume, tu t'exposes à l'incertitude en quittant la sécurité de la route. 


Adaptation mentale et physique


Durant ces jours-là, environ deux semaines après le départ, j'ai ressenti qu'un cap avait été franchi. Au niveau physique d'abord, le corps s'adapte, la forme commence à être bonne et je me suis surpris plusieurs fois à me demander si je n'avais pas oublié quelque chose car mon sac à dos me semblait fort léger...! Au niveau mental ensuite car, les premiers temps, j'avais chaque soir au moment de poser le camp une certaine appréhension par rapport à tout ce qu'il reste à parcourir et tous ces jours à être seul. Et ce sentiment s'est dissipé, j'apprécie même beaucoup ces moments de solitude dans cette nature qui m'est de plus en plus familière. Je me rends aussi compte que le fait d'être seul donne plus d'ouverture et plus de saveur à chaque rencontre. 

Dans les difficultés, dans l'inconnu, être deux rassure. On se sent plus fort. Mais ces moments où tu ne peux compter que sur toi-même te font grandir. Être seul offre également de nombreux moments propices au voyage intérieur qui, comme le vélo, te fais avancer et peut-être encore davantage.

Toutefois, le partage me manque. Ce n'est pas pour rien que, en Suisse, je ne sors pratiquement jamais seul lors de mes activités, que ce soit en VTT ou en chaussures de marche. J'adore partager les bons (et aussi les moins bons) moments avec les amis. C'est pourquoi je me réjouis énormément de ce petit bout de voyage avec Yannick ainsi que de retrouver Vanessa au Canada.


Castaic Lake et le désert du Mojave


Après une partie plus urbanisée, j'arrive au lac Castaic que je longe en suivant une jolie crête avant de rejoindre la "Old Ridge Route", voie historique ouverte en 1915 et abandonnée vers la fin des années soixante suite à la mise en service de la grande Highway 5. Cette vieille route dont le bitume disparaît peu à peu est aujourd'hui fermée à la circulation et donc parfaite pour les cyclistes! Dans une solitude complète et de vastes paysages, elle m'emmène jusqu'à la pointe ouest du désert du Mojave qu'il m'a fallu traverser dans sa partie la plus étroite pour rejoindre les premiers contreforts de la Sierra Nevada. 

J'y arrive en fin d'après-midi et ne sais pas trop à quoi m'attendre. Je me rends vite compte que les conditions sont vraiment idéales: une température agréable et surtout un fort vent d'ouest! Pas une minute à perdre, il faut que je profite de ce formidable vent dans le dos pour avaler la cinquantaine de km à plat qui m'attend! C'est un peu comme une grande plaine de l'Orbe finalement...! ;-)

À peine après avoir entamé le premier petit bout de route, une voiture me dépasse puis se range sur le côté, j'arrive à sa hauteur et voilà qu'une gentille demoiselle me tend une salade de fruits frais! "C'est pour vous!" Je n'en reviens pas...! Je suis vraiment très impressionné par la gentillesse, la générosité et l'accueil des Américains. Pas un jour se passe sans de sympathiques rencontres, l'occasion d'échanger et d'en apprendre plus sur la vie des gens ici. 

Après des zigzags entre les champs de panneaux solaires et d'éoliennes ainsi qu'un joli passage au milieu de Joshua Trees, j'arrive à la tombée de la nuit à Willow Springs. Un bled? Non, deux baraques dont une petite épicerie au croisement de deux routes... Alors qu'il fermait les grilles de son échoppe, l'épicier me voit arriver et rouvre pour moi. Autour d'une boisson fraîche et de deux hot-dogs dont un offert par la maison, je passe une bonne heure à discuter géo-politique avec cet homme, un Arménien d'Iran ayant migré à pied à travers toute l'Europe avant d'arriver aux Etats-Unis il y a près de trente ans. Très touché par la situation actuelle en Moyen-Orient, il me fait part de son pessimisme pour l'avenir de cette région et semble bien informé sur la terrible complexité du drame syrien.

Je quitte ce désert en arrivant à Tehachapi où j'ai dû réfléchir à l'itinéraire pour rejoindre le lac Isabella. Je parviens finalement à rejoindre le "charmant" village de Caliente, un nom qui en dit long sur la chaleur ambiante (d'ailleurs presque chaque baraque était abandonnée!), en empruntant uniquement des pistes longeant la rivière et les voies ferrées. S'en suit un joli col sur une petite route pour arriver au pied de la Breckenridge Mountain sur laquelle j'ai pu repérer le "Mill Creek Trail", joli sentier qui descend jusqu'à la Kern River, près de Lake Isabella. Et quel régal! Plus de 10 km de descente sur un sentier joueur, bien tracé et bordé de fleurs tout en longeant une jolie rivière où il fait bon s'y baigner! 


Lake Isabella 


Me voilà à présent dans le topissime camping KOA du lac Isabella où je me suis accordé un jour de repos. 

Bien décidé à découvrir les parcs nationaux de Sequoia et de Yosemite, j'ai choisi, peut-être à tort, de quitter momentanément la trace Trans-US qui évite les parcs en longeant la Sierra par l'Est dans la Owens Valley. En effet, étant donné que les VTT sont interdits sur les sentiers dans les parcs, Pascal, Jon et Finn ont préféré les contourner afin d'éviter les routes au maximum. J'aurai donc plus de km à faire sur la route, mais je serai au cœur de la Sierra Nevada jusqu'à Yosemite où je pourrai revenir sur l'itinéraire Trans-US pour rejoindre le lac Tahoe. Je vais continuer d'essayer d'emprunter un maximum de petits chemins, notamment grâce à plusieurs applications de partage de sentiers telles "Trailforks", "MTB Project" ou encore "All Trails". Grâce à elles, je dispose d'une énorme base de données et je peux connaître l'état et l'accessibilité des trails. C'est ainsi que j'ai par exemple pu découvrir le "Mill Creek Trail".


Encore un grand merci pour vos nombreux retours et commentaires que j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire!