28-29 juillet


Vélo et dent réparés, je repars de Hood River en commençant par traverser le fleuve Columbia. Le pont étant interdit aux cyclistes, c'est dans le pickup du voisin de mon hôte (Scott) que je franchis ce puissant cours d'eau large d'un kilomètre et demi. Sur le pont, j'ai une pensée pour l'expédition de Lewis et Clark qui arrivaient ici au bout de leur incroyable aventure à travers l'Ouest encore inconnu des Européens. C'était en septembre 1806, il y a maintenant 211 ans.

Arrivé de l'autre côté, je continue donc l'exploration de ces terres qui n'en restent pas moins inconnues pour moi!


La première étape dans cet État de Washington ne m'a pas déplue. Je me retrouve en fin de journée sur un superbe sentier de crête qui m'offrira de beaux points de vue, malgré quelques montées bien raides qui m'obligent à pousser. Je suis complètement sous le charme de cette région. À perte de vue, je vois des vallées, des crêtes et des montagnes recouvertes de forêt ; et cette immensité verte est dominée par plusieurs volcans d'un blanc étincelant, couverts de neige et de glaciers, tels le Mt Hood, le Mt Adams ou le Mt St Helens. Le fait qu'il s'agisse de volcans rend ces sommets plus vivants à mes yeux. Ce ne sont pas de simples amas de roche, d'autant plus qu'ils sont considérés comme actifs...


Après un joli bout de descente sur sentier, je rejoins la route qui m'emmène jusque dans la vallée de la Lewis River (en l'honneur de Lewis et Clark) que je remonterai en suivant le trail du même nom. Et là, dès les premiers coups de pédale, je me retrouve dans un autre monde, ou alors projeté dans l'ère du carbonifère... Quelle forêt! Des arbres gigantesques, une végétation luxuriante et le tout couvert de mousses et de lichens. Ces derniers forment d'amples rideaux sous les nombreuses branches. Le sentier serpente dans cette jungle, passant parfois sur les troncs, ou en-dessous et même au travers! Les spots de rêve pour bivouaquer s'enchaînent et c'est en-haut d'une falaise surplombant les gorges que je pose le camp. Le sentier finit ensuite en apothéose en passant près de deux belles chutes d'eau. 


30 juillet - 1er août 


Une très belle surprise m'attend peu après avoir quitté la Lewis River. Roulant depuis un bon moment sur des pistes forestières et voyant le soir arriver, je décide un peu par hasard de faire un crochet pour monter vers un petit lac où j'ai repéré un campground. J'arrive alors au bord du Takhlakh Lake, une véritable perle au milieu des bois! Situé juste au pied du Mt Adams, ce dernier se reflète dans les eaux cristallines du lacs... Une baignade et une bonne bière en compagnie de sympathiques campeurs, la soirée est parfaite! 

Le lendemain, je rejoins le village de Randle en me laissant descendre sur une piste fermée aux voitures puis en prenant un sentier bien joueur. 


À mon départ de Randle, décidé à prendre de l'altitude pour dormir au frais, je fais à peine deux mètres de montée qu'un 4x4 vient à ma hauteur... la vitre se baisse et j'entends un "Are you out of your mind??!!" Le conducteur, un sympathique retraité, n'en revenait pas de me voir grimper par une chaleur pareille... Il est en fait venu me proposer de bivouaquer sur son terrain, car il possède un petit coin au bord de la rivière parfait pour camper et toujours bien frais! J'accepte volontiers et je ne serai pas déçu! 


02-03 août


Le lendemain matin, je reprends mon ascension brièvement entamée la veille. Bien que cette route soit fermée depuis plusieurs années suite à un glissement de terrain, je savais que l'équipe Trans-US était tout de même parvenue à passer il y a trois ans, en portant les vélos. Pour être sûr, je me suis quand même renseigné auprès d'un ranger qui m'a répondu qu'à pied en portant le vélo, je devrais pouvoir passer... hum! Cela s'est finalement avéré tout à fait impossible! En reconnaissance, je parviens tout de même à accéder à la suite de la piste. Elle est complètement reprise par la forêt. Demi-tour... Tant pis pour les 600 mètres de dénivelés déjà faits! Cap sur Packwood où je prends une route forestière ouverte qui se rend à Ashford. Sur mon application Trailforks, je repère un sentier qui semble tout à fait intéressant (et roulable!) passant par une crête et deux petits lacs. Mes efforts pour atteindre ces derniers sont récompensés car, au bord du Granite Lake, je me retrouve tout à fait seul dans ce cadre idyllique. Un coin de campement idéal, un lac à l'eau pure et à température agréable, une plage de sable fin et un point de vue sur le Mt Rainier (4392m)... je me sens privilégié. Seul hic: les millions de mouches affamées qui mordent...! 

La grande descente sur Ashford sera l'une des plus belles de ma traversée des Etats-Unis ; une de ses descentes où l'on se sent voler sur le sentier.


04-08 août


Depuis Ashford, au pied du Mt Rainier, le trajet devient un peu moins aventureux mais tout aussi plaisant. Entre le parc national, les zones interdites à cause des risques d'incendies et les routes fermées, je suis contraint de longer la chaîne des Cascades par l'Ouest pendant quelques jours. Je tente alors de relier les différents bike-parks de cette région en périphérie de Seattle. Il s'agit d'endroits où sont tracés une multitude de sentiers dédiés au VTT et pour tous niveaux. Ils sont entretenus par les vététistes du coin.

N'ayant pas de pression par rapport au calendrier (je suis bien en avance pour arriver à temps à Vancouver et retrouver Vanessa), je m'accorde de courtes étapes et n'hésite pas à m'arrêter un peu en ville ou lorsque je passe dans un bel endroit. Je roule donc quelques jours "à la cool" sur des chemins tout plats, de petites routes et me fais plaisir dans les quelques bike-parks traversés. C'est la saison des mûres, alors je m'arrête à peu près tous les 100 mètres pour en manger...!


09-13 août 


À peine après être reparti à l'Est pour revenir dans les montagnes, l'aventure est de nouveau au rendez-vous! J'entends par là ces moments où, après les obstacles franchis, il est hors de question de faire demi-tour, malgré nos incertitudes par rapport à la suite du chemin quant à savoir si ça passe ou pas. C'était le cas entre Index et Darrington. Après avoir porté et poussé mon vélo pour franchir une route emportée par la rivière, je me retrouve sur un sentier plus du tout entretenu et entravé d'arbres en travers et de végétation. Pour franchir cette zone de wilderness, aucune autre alternative n'est possible. Après quelques heures de galère, j'atteins le col et entame la descente qui, heureusement, est bien plus accessible! Toutefois, la végétation est par moment si dense que je dois un peu forcer, casque en avant, pour ouvrir le chemin. Et justement, au moment de sortir de l'une de ces zones, je me retrouve face à un couple de marcheurs. Je vous laisse imaginer leurs têtes quand ils ont vu surgir d'un buisson un barbu casqué avec des fougères dans les dents...! 

J'arrive ensuite à Darrington, petite ville fortement liée à l'industrie forestière. Ses premiers habitants sont des hommes venus initialement pour chercher de l'or et qui sont finalement restés pour couper du bois. L'exploitation forestière dans cette partie du pays fut pendant longtemps une catastrophe écologique. Des coupes rases et aucune replantation ou alors des monocultures très pauvres en biodiversité. Cela fait maintenant quelques décennies que l'exploitation forestière est beaucoup mieux gérée, de manière durable. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de discuter avec deux jeunes "replanteurs" en Oregon. Un job de saison à plein temps qui paie assez bien paraît-il.

Cela étant, je me pose au camping du bled pour laisser passer ma première pluie depuis deux mois! Et cela n'aura même pas duré toute la nuit. Je m'abrite dans la taverne et me retrouve en compagnie d'Américains du cru : un bûcheron, un chasseur, un paysagiste et un ancien marine ayant servi dans des sous-marins nucléaires durant la guerre froide! On m'offre deux bières sans que j'aie le temps de m'en apercevoir et je parviens de justesse à en offrir une aussi. Un joli moment en immersion complète dans la culture locale : bière, base-ball, musique country, et tout ça en bonne compagnie. 


14-18 août 


La pluie étant passée, je reprends la route vers le Nord, car il me reste encore quelques jolies montagnes à franchir avant d'arriver au Canada. Je roule la plupart du temps sur de longues pistes 4x4 à travers ces grandes étendues forestières. J'ai tout de même une portion sur sentier pour passer le col où se trouvent le Doreen Lake et le Elbow Lake, mais je vais presque regretter la piste : la descente comporte de nombreux arbres en travers où il n'est pas toujours facile de faire passer mon vélo bien chargé... 

Au col, je pose le camp sur un joli petit coin entre les deux lacs. Alors que je montais ma tente à la tombée de la nuit, je suis surpris de voir un marcheur arriver car je n'avais vu personne depuis plusieurs heures. Mike, 65 ans, est venu se balader là et pensait bivouaquer dans le coin. Je l'accueille avec plaisir sur mon spot et je fais la connaissance d'un homme passionnant, au parcours de vie très riche et varié. Nous sympathisons et il insiste pour m'inviter à passer une nuit chez sa femme et lui, sur les hauts de Bellingham. Il tient à me faire goûter la bière qu'il a brassée lui-même! Il n'a pas eu besoin d'insister longtemps...


Tout motivé pour rejoindre la maison de Mike, je repars au matin sur le sentier. Arrivé en bas de la descente, il me faut traverser une rivière dont le pont a été emporté. Le courant est assez fort et je prends donc bien le temps pour trouver le meilleur passage à gué. Il n'aurait pas fallu beaucoup plus d'eau pour me retrouver embêté! S'ensuit de nombreux kilomètres sur piste puis sur route jusqu'à Deming, au pied du dernier massif montagneux américain qu'il me faut franchir avant la frontière. Je le laisse de côté pour l'instant et fais donc un petit détour pour me rendre chez Mike et Pam. Je suis à nouveau enchanté par le formidable accueil américain et me délecte d'une douche chaude, d'un bon et copieux repas ainsi que d'un lit moelleux. Le lendemain, je passe une chouette matinée avec Mike et je finis quand même par repartir, presque à contrecœur! Il me repousse avec son superbe pick-up vintage là où j'avais laissé ma trace. Et c'est parti pour la dernière partie sur sol américain : les Sumas Mountains. Je les traverse assez rapidement sur des pistes 4x4 malgré quelques montées puissamment raides. 


J'arrive alors dans la ville frontière de Sumas et, après un passage à la frontière face à un douanier aux antipodes de la courtoisie et de l'accueil, j'entre enfin au Canada! 

Après environ 3 mois, 4500 km et 75'000 m de dénivelé, me voilà donc arrivé au bout des Etats-Unis! Le périple n'est toutefois pas encore terminé, car il me faut encore rejoindre Whistler, la mythique station VTT.


Encore un grand merci pour votre lecture et votre suivi! 

Have a good one!